Chapitre 5
Pourquoi me fuit-elle ?
Sébastian se posait encore et encore la même question douloureuse, en pataugeant dans les flaques qui avaient envahi la grand-rue du village désert.
Il s’était mis à pleuvoir au crépuscule, au moment où il se lançait à la recherche de sa fiancée. Il pleuvait toujours des heures plus tard, violemment, assez pour ronger à vue d’œil les joints des pavés. Les gouttes martelaient le visage et les mains brûlés de Sébastian, qui pourtant les sentait à peine.
Que s’était-il passé, nom de Dieu ? À l’arrivée de Katia, il avait senti s’alléger puis s’évanouir la lassitude qui pesait sur lui depuis des siècles. Elle avait hélas repris ses droits, plus puissante encore.
— Ne t’en va pas ! avait-il rugi, avant que le soleil ne l’oblige à faire demi-tour.
Sa fiancée avait regardé en arrière, les yeux écarquillés, les lèvres entrouvertes, frémissantes. Elle avait été témoin de sa souffrance, au moment où sa peau avait pris feu.
La scène avait causé un choc à la jeune femme, il s’en était aperçu, car il avait déjà vu l’expression qui s’était inscrite sur ses traits à ce moment-là. C’était celle qu’arboraient les soldats quand un boulet de canon avait atterri trop près d’eux une fraction de seconde plus tôt : ils n’arrivaient pas à assimiler ce qui venait de se passer.
Pourquoi s’est-elle enfuie ? Quelle erreur ai-je commise ?
Il l’avait cherchée toute la nuit, passant au peigne fin les rues désertes et la vallée tout entière, avant de glisser jusqu’à l’aéroport, malgré sa certitude qu’elle était partie depuis longtemps.
Les villageois aussi, d’ailleurs. Un unique chien hurlait à la lune, au loin. Sébastian évitait les humains depuis sa transformation, mais là, il était tout disposé à les interroger. Il mourait même d’envie de le faire. S’ils disposaient de la moindre information sur sa mystérieuse fiancée, il était décidé, pour la leur arracher, à devenir le monstre qu’ils redoutaient tant.
Hélas, ils avaient disparu. La demeure du boucher, qui vendait en secret du sang et, parfois, des vêtements et des livres au vampire, était aussi obscure et déserte que les autres. De toute évidence, Katia avait averti les gens qu’il se lancerait à sa poursuite, prêt à tout.
Il ne cessait de ressasser en son for intérieur ce qu’il savait de son étrange Kaderin, mais il lui arrivait aussi de se dire qu’elle était trop belle, trop parfaite pour exister vraiment, pour être autre chose qu’un fantasme. Il avait vécu si longtemps en solitaire…
Et il avait déjà connu la folie, par le passé.
Alors, chaque fois qu’il se demandait s’il n’avait pas imaginé toute la scène, il regardait la meurtrissure qui s’étalait sur son torse puis palpait les déchirures de sa chemise. Katia les lui avait faites en lui enfonçant ses griffes dans le dos et les bras… Seigneur, quelle fiancée passionnée ! Maintenant encore, le sexe de Sébastian se dressait dès qu’il pensait à elle.
Jamais il n’avait éprouvé une telle concupiscence. Jamais une femme ne l’avait excité à ce point. Sans doute son désir était-il d’autant plus vif qu’il avait vécu une interminable période de chasteté. Oui, bien sûr. Il n’avait même pas possédé une visiteuse.
Dieu du ciel… Il ne l’avait même pas vue nue ni avait caressé sa peau.
Il secoua la tête tandis que le rouge lui montait aux joues, une fois de plus, à l’évocation de leur rencontre. Il n’avait rien d’un séducteur, mais il se rendait parfaitement compte de la… bizarrerie de ce qu’il avait fait.
De toute sa vie, il n’avait eu qu’une demi-douzaine de relations sexuelles, avec deux femmes différentes, pas davantage. Quoique… Pouvait-on vraiment parler de relations sexuelles en ce qui concernait la seconde ? Sébastian n’avait jamais cherché à conquérir les cœurs. Il était trop silencieux, trop renfermé sur lui-même pour cela. Et même s’il en avait été autrement, le temps, les occasions, mais aussi – surtout – les partenaires disponibles auraient manqué.
La demeure ancestrale des Wroth se dressait à l’écart des villes et des marchés. Les jeunes paysannes attirantes, à cent lieues à la ronde, étaient désespérément amoureuses de Murdoch le libertin, et jouissaient pour la plupart de ses attentions, ce qui leur évitait à jamais l’intérêt de Sébastian. Il n’aurait pu rivaliser avec l’expérience de Murdoch, et il craignait, s’il prenait une de ces femmes, de s’apercevoir en la regardant qu’elle pensait exactement la même chose.
Outre Murdoch, il avait aussi comme concurrents deux autres frères.
Puis la guerre était arrivée.
Les expériences sans importance – ou désastreuses – de Sébastian ne l’avaient en rien préparé à la passion de Kaderin. Elle s’était montrée aussi frénétique que lui. Qu’en serait-il lorsqu’il la tiendrait nue sous lui ? Son érection palpita douloureusement ; à cette pensée, lui arrachant un juron.
Elle l’avait poussé à s’affirmer puis avait joui de sa force en créature sauvage, mais elle ne lui avait donné ni son nom complet ni son adresse. Il ne savait même pas à quelle espèce elle appartenait.
Si seulement il avait mieux connu le monde dans lequel il évoluait à présent – celui du Mythos ! Il était aussi ignorant en la matière qu’en ce qui concernait la culture humaine moderne.
Lorsqu’il s’était réveillé d’entre les morts, si longtemps auparavant, Nikolaï et Murdoch avaient cherché à lui communiquer ce qu’ils savaient sur le Mythos – des informations bien maigres, compte tenu de leur récente transformation. Peu importait, d’ailleurs, car il ne les avait pas écoutés. À quoi lui serviraient ces renseignements, puisqu’il allait partir dans le soleil ?
Par la suite, il avait évité la Colline noire et hanté le seul pays où nul ne penserait jamais à le chercher. Que se passerait-il, s’il regagnait à présent le manoir familial ? Comment réagirait-il, confronté à Nikolaï ?
Soudain, il perçut un mouvement à la périphérie de son champ de vision. Il pivota brusquement. Son reflet s’était arrêté dans une vitrine. Sa main se leva d’elle-même vers son menton.
Seigneur ! Pourquoi ne se serait-elle pas enfuie ?
Sous la pluie torrentielle, il avait l’air d’un monstre, avec son visage brûlé d’un côté par le soleil et émacié – il se nourrissait mal, incapable de se contraindre à boire assez pour entretenir sa masse musculaire –, ses cheveux coupés à la diable, ses vêtements usés, élimés.
Kaderin avait dû le voir comme l’archétype du miséreux vivotant dans un taudis, sans amis ni relations. Certainement pas comme un partenaire digne d’elle. Trois siècles plus tôt, une femme s’assurait par nécessité que l’homme dont elle allait partager le sort était capable de subvenir à ses besoins. Un désir aussi élémentaire n’avait certainement pas disparu.
Pire que tout, Sebastian était un vampire. Or, elle détestait les vampires.
Jamais il ne pourrait passer la journée dehors en sa compagnie. Seigneur, le soleil lui manquait tant… et maintenant plus encore, parce qu’il ne se promener à la lumière du jour avec elle.
Vampir. Il passa la main dans ses cheveux mouillés. Quel genre d’enfants lui donnerais-je ? Des buveurs de sang ?
Lui aussi, il se serait enfui à sa propre vue.
Comment pouvait-il espérer ne pas la dégoûter, alors qu’il se dégoûtait lui-même ? Il vivait de sang.
Relégué dans l’ombre.
Tu n’es pas mon mari. Tu ne le seras jamais. Voilà ce qu’elle lui avait dit.
Je me détruirai. Voilà ce qu’il avait dit, lui, à Nikolaï, la dernière fois qu’ils s’étaient vus.
Comment parviendrait-il à convaincre Katia de vivre avec lui, alors qu’en trois siècles, il n’avait pas réussi à se persuader qu’il avait le droit de vivre ?
Pourtant, elle l’avait embrassé, si brièvement que ce fût. Elle avait accepté ses avances maladroites. Avec le temps, elle surmonterait certainement l’aversion des débuts.
Peut-être les autres vampires étaient-ils cruels (il n’en avait jamais vu, à part ses frères), mais il prouverait à sa fiancée que ce n’était pas son cas à lui. Il la protégerait et lui donnerait tout ce dont elle pouvait avoir envie.
Il fallait qu’il retourne au manoir de la Colline noire, il n’avait pas le choix. Son argent s’y trouvait, enterré dans la propriété. Avant de quitter les champs de bataille en compagnie de Conrad, il avait amassé grâce aux officiers russes une véritable fortune, y compris le château qu’il occupait à présent.
Une demi-douzaine de ses coffres regorgeaient de pièces d’or à l’effigie d’un antique dieu ailé, tandis que d’autres étaient emplis de joyaux rapportés d’Orient par les militaires ennemis avant que leurs yeux avides ne se fixent sur l’Estonie voisine.
Sébastian se forcerait à boire. Il s’achèterait des vêtements neufs. Il ferait l’acquisition d’une demeure adaptée à un couple – et il serait ravi de ne jamais revoir ce misérable château.
Lorsqu’il retrouverait Katia, ce serait en homme digne de devenir son époux. Mais il n’obtiendrait ce dont il avait besoin qu’en s’aventurant dans le vaste monde nouveau qui l’entourait. Or, s’il avait vu des publicités pour des films, il n’avait jamais vu de film. S’il savait que des avions passaient au-dessus de sa tête, c’était parce qu’il avait découvert dans des livres à quoi ressemblaient leurs moteurs, mais il n’avait jamais emprunté un moyen de transport pareil.
Il devrait aussi côtoyer les humains, même s’il avait l’impression qu’ils le perceraient à jour d’un regard, qu’ils démasqueraient d’un coup d’œil le monstre qui essayait de passer pour un des leurs.
Pire, il redoutait l’envie terrible de boire à leurs veines, même s’il n’avait jamais rien ressenti de tel avant d’avoir la peau dorée de Kaderin juste sous le nez. Parviendrait-il à se maîtriser avec elle ? Se montrait-il égoïste en se lançant à sa recherche ? Non, il saurait se contrôler. Il s’abstiendrait, comme disait l’ordre auquel appartenaient ses frères.
Il voulait retrouver sa fiancée, et il la retrouverait, quitte à y laisser la vie.
Lorsqu’il se détourna de la vitrine, son regard se perdit sous la pluie. Il secoua tristement la tête.
Il comprenait maintenant qu’il avait attendu Kaderin toute sa vie. Avant même qu’elle ne devienne ce qu’il avait de plus précieux au monde.
Londres, Angleterre
Tout va bien.
Kaderin se sentait de nouveau elle-même, quoiqu’elle fût un peu désorientée… en apparence.
Cette région servait déjà de terrain de chasse aux vampires à l’époque où Londres n’était qu’un campement marécageux au bord d’un banal cours d’eau. Elle servait aussi de terrain de chasse à Kaderin, qui y traquait lesdits vampires à chacune de ses visites.
Après sa débâcle russe, elle avait décidé de passer quelque temps dans la capitale anglaise, riche en créatures du Mythos, à la fois parce qu’elle y possédait un appartement dont les autres Valkyries ignoraient l’existence et parce que c’était un bon camp de base pour la Quête.
Sa première nuit dans la métropole, elle comptait la passer à King’s Cross en remplissant un objectif : tuer des sangsues. Épée et fouet dissimulés sous son imperméable, elle suivait une ruelle pavée qu’elle connaissait bien car, un siècle auparavant, deux frères vampires avaient failli lui couper la tête contre les briques de ses murs.
Sa haine de l’ennemi ne s’expliquait pas seulement par ce qui était arrivé à ses sœurs…
Pour l’heure, elle faisait mine de s’être perdue sous le voile fuligineux qui enveloppait la ville. Elle boitait même discrètement, dans l’espoir de montrer à d’éventuels prédateurs que le dîner n’attendait qu’eux.
Mais elle cherchait aussi à se persuader que cette petite excursion n’était pas censée prouver quoi que ce soit. Qu’il ne s’agissait pas d’un exercice destiné à s’assurer qu’elle avait toujours le courage de chasser le vampire. Ç’aurait été trop cliché, trop série B, de faire sauter les têtes et de nettoyer les rues de Londres à cause de ça.
Tuer cette nuit, c’était tout simplement vivre sa vie comme d’habitude.
Une bande de cinq sangsues se matérialisa juste devant elle, surgie de nulle part.
— Mais c’est fête ce soir, ma parole, lança Kaderin, nonchalante.
Ils étaient habillés en voyous ; des points noirs flottaient dans leurs yeux rouges luisants. Des yeux sales. Quand ils tuaient une proie en buvant à ses veines, ils s’abreuvaient aux abysses de son âme, ils en absorbaient la lie – démence et péchés.
Lorsqu’ils l’encerclèrent, elle tira son épée et frappa sans attendre.
Une souple torsion du poignet fit tomber la première tête. Regardez-moi ça. Un ballon un peu spécial roule dans le caniveau londonien. C’est d’un banal. Tout va bien.
Les quatre autres sangsues se mirent à glisser autour d’elle, en donnant des coups de griffes ou de couteau, aussi décrocha-t-elle son fouet de sa ceinture. Il s’agissait d’une lanière en titane enroulée avec soin, qui empêchait les vampires pris au piège de se téléporter. L’un d’eux identifia le danger au premier claquement métallique et s’enfuit sans demander son reste.
Ah ah… mais les trois autres vont tenter leur chance.
Le fouet en toucha un et s’enroula autour de son cou en claquant.
Ce sont toujours les mêmes qui gagnent.
Kaderin tira d’un coup sec pour rapprocher le vampire titubant juste à portée de sa lame. À l’instant précis où elle lui coupait la tête, elle éloigna d’un coup de pied en arrière les deux derniers, avant de feinter pour échapper au couteau du plus grand… qui s’enfonça dans la tempe du plus petit.
Le sang jaillit. La Sans-Cœur se sentait parfaitement dans son élément. Aucune passion. Le meurtre froid. Son épée dansait, son fouet claquait – elle était redevenue elle-même.
Quelle idée de s’enfuir de Russie comme une hystérique, tremblante, en larmes… Combien de fois pendant le voyage n’avait-elle pas dit et répété d’une voix plaintive : « Mais qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que j’ai fait, par Freyja ? » Combien de fois n’avait-elle pas revu en esprit l’expression du vampire quand il avait compris qu’il ne réussirait pas à l’empêcher de partir ?
Elle avait commis une erreur. Ça pouvait arriver à tout le monde.
Myst la Convoitée, par exemple… se dit Kaderin portant le coup de grâce au vampire cornu – le manche de couteau qui dépassait de son crâne ressemblait vraiment à une corne. Myst se morfondait dans une prison de la Horde quand les Abstinents avaient conquis le château où elle était enfermée. Un de leurs officiers l’avait libérée pour lui faire la cour après quoi les choses avaient un peu dérapé dans les cachots humides. Les Valkyries étaient arrivées à la rescousse trop tard.
Le statut de Myst dans le Mythos ne s’en était toujours pas remis, alors qu’elle avait bataillé des siècles pour l’obtenir. On la traitait à présent en paria. Même les nymphes se moquaient d’elle. Il n’existait pas pire ignominie…
Le dernier de ses adversaires donna à Kaderin un coup de poing à la mâchoire qui lui fit voir trente-six chandelles, mais elle riposta brutalement, bien qu’à l’aveuglette. Déjà, elle se redressait de toute sa taille sur la pointe des pieds, l’épée dansante, les pensées bouillonnantes. La disgrâce suprême, voilà ce qui la préoccupait pendant qu’ils tournaient l’un autour de l’autre, l’ennemi et elle. Quelques décennies plus tôt, une autre Valkyrie, Hélène, avait eu un enfant du vampire dont elle partageait le lit. La petite Emmaline. Hélène était morte de chagrin peu de temps après… trahie par son compagnon.
Elle frappa. La sangsue évita le coup de justesse et jura.
— Seigneur ! Personne ne m’avait encore jamais traitée de salope, ironisa Kaderin en s’essuyant le visage sur sa manche.
Ses yeux croisèrent ceux de l’adversaire.
Les vampires changeaient. Telle était leur nature. Elle avait bien remarqué que Sébastian hésitait, la bouche dans son cou. Il l’avait même léchée à cet endroit-là, lentement. Il avait pensé à la mordre.
Oui, il finirait lui aussi par boire aux veines d’une victime jusqu’à la tuer, volontairement ou non. Ses yeux gris au regard franc vireraient au rouge sale de la frénésie de sang, et la Horde gagnerait un membre de plus. Comme celui qu’elle affrontait.
Cette pensée donna un coup de fouet à Kaderin, qui se jeta en avant avec un hurlement, roula à terre puis se redressa en brandissant son épée, qu’elle planta dans la poitrine du monstre. Se relevant d’un bond, elle arracha aussitôt sa lame de la blessure avant de trancher net la tête de sa proie.
Son geste ample ne produisit même pas un sifflement, tant il était rapide.
Trop facile, ça ne vaut pas le coup. Elle s’accroupit pour prélever les crocs des morts. Quatre. Chou-bi-dou, ouah ouah ouah, bordel de merde. S’il s’était agi de poissons, elle aurait relâché ses prises.
Mais elle s’était ressaisie. Son esprit s’était éclairci en ce qui concernait Sébastian Wroth. La solitude du vampire ne s’accrochait plus à elle comme le brouillard rampant à la ville. Sa lucidité retrouvée, elle était redevenue elle-même – une chance, vu que la Quête débutait dans deux jours. Elle ne délirerait pas, contrairement à ce qu’elle craignait en arrivant à Londres. Elle ne se mettrait pas dans tous ses états, snif beuh, heu, heu.
Non. Elle serait d’un froid de glace. Voilà.
De King’s Cross, elle regagna à petites foulées l’appartement de Knightsbridge, ses vêtements imbibés de sang dissimulés par la brume nocturne, son pied-à-terre londonien se trouvait exactement dans le bon quartier. Pas trop loin des magasins, pour pouvoir faire du shopping au cas où, mais dans les étroites ruelles desservant les écuries d’autrefois, un labyrinthe où elle pouvait circuler en toute discrétion. Kaderin n’eut plus ensuite qu’à sauter par-dessus le mur de la cour, pénétrer dans l’immeuble puis monter l’escalier à toute allure.
Elle ôta les vêtements « empruntés » à Myst, les jaugea d’un coup d’œil et les jeta dans le tas de linge sale « définitivement fichu », avant de se précipiter sous la douche pour se débarrasser du sang.
Le shampoing ne tarda pas à mousser dans ses cheveux. Elle ne pensait pas au vampire de Russie. Non. Pas du tout. Elle ne se demandait pas ce qu’il faisait dans son château désolé ni pourquoi il voulait mettre fin à ses tristes nuits. Ni où il avait guerroyé. Tout ça n’avait aucune importance. Après avoir remporté la Quête, une fois prête, elle retournerait l’éliminer.
En attendant, il la chercherait. Un vampire qui avait trouvé sa… sa fiancée ne pouvait se résoudre à la perdre. Il ne la reverrait pourtant pas, car il ne connaissait que son prénom. Les villageois s’enfuiraient chaque jour de chez eux en fin d’après-midi et n’y reviendraient pas de la nuit avant son retour à elle… faute de quoi ils affronteraient sa colère, elle les avait prévenus.
Quant aux autres créatures du Mythos susceptibles de dévoiler l’identité de la visiteuse, elles prendraient la fuite à la seule vue de Sébastian Wroth, du fait de sa nature vampirique. Ce serait un étranger en tout lieu, pour tout le monde, humain ou immortel. D’ailleurs, tant que Kaderin se consacrerait à la Quête, elle serait impossible à localiser. Dans les semaines à venir, elle ne dormirait pas deux nuits de suite au même endroit et passerait son temps à parcourir le monde, afin de mettre la main sur les joyaux et amulettes qui lui vaudraient de remporter la compétition.
Elle affronterait le vampire quand et où elle voudrait. Oui, tout allait bien.